Loin d’être un effet de mode, l’usage de la trottinette électrique (TE) connaît une forte expansion, particulièrement en zone urbaine. L’accidentologie qui lui est liée est en augmentation. Une récente étude française dresse le profil des accidentés et liste les facteurs accidentogènes [1]. Les résultats de cette analyse ont été publiés le 30 juin 2023 dans la revue JAMA Network Open.
Un nouveau type d’accidentologie
Les habitants des grandes villes le savent bien, les trottinettes ont envahi l’espace urbain au cours des dernières années, générant de nouveaux risques, tant pour les utilisateurs que pour les personnes environnantes, et un nouveau type d’accidentologie.
L’introduction du libre-service – 15 000 TE dans la capitale – a été le facteur majeur d’augmentation des accidents. Alors que l’Académie nationale de médecine a récemment émis des recommandations sur l’utilisation de ces engins de déplacement personnel motorisés (EDPM) [2], les services d’anesthésie-réanimation composant le groupe de recherche Traumabase, coordonnés par le Dr Arthur James et le Pr Mathieu Raux, de l’hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP, de Sorbonne Université et de l’Inserm, ont étudié la gravité des blessures à la suite des accidents de la route impliquant les TE au travers d’une étude menée dans 20 centres de traumatologie majeurs sur plus de 50 000 patients [1].
Le registre sur lequel s’est appuyée l’étude a collecté de façon précise les données descriptives de l’accident et du patient à son entrée à l’hôpital pour un traumatisme grave. Les fonctions vitales et les blessures ont été renseignées, de même que les soins reçus et les suites de l’accident en termes de survie et de complications. L’analyse de ces données permet d’objectiver l’accidentologie liée aux trottinettes depuis 2019, par comparaison à celle associée à l’usage du vélo et de la moto. 229 blessés graves sur 4 ans, 9% de décès
Dans cette étude, les conducteurs d’EDPM présentaient un ISS supérieur à 16 (soit un traumatisme sévère) dans 45,5% des cas, soit des blessures aussi sévères que celles des conducteurs de moto, en dépit d’une vitesse a priori moindre.
Le nombre de patients admis dans les suites d’un accident de la voie publique impliquant l’usage d’un EDPM a été multiplié par 2,8 en 4 ans.
Les lésions corporelles Le rapport de l’Académie de médecine fait état de lésions affectant principalement l’extrémité crânio-faciale et les membres, plus particulièrement le membre supérieur [2]. Ces localisations des lésions résultent d’une chute en avant qui rend l’extrémité céphalique et les membres supérieurs très exposés, écrivent-ils. L’extrémité céphalique est plus souvent atteinte dans les accidents de TE que dans les accidents de vélo où la chute se produit latéralement. (74% vs 43%).
Contexte d’alcoolisation dans un tiers des cas
Les usagers d’EDPM étaient deux fois plus à risque de présenter des traumatismes crâniens, lesquels étaient plus graves que ceux des motocyclistes, « possiblement en lien avec le fait que moins de 25% des usagers d’EDPM portaient un casque au moment de l’accident », considèrent les auteurs.
Les accident graves impliquant des EDPM surviennent plus souvent le soir et week-end, et dans un contexte d’alcoolisation supérieur au seuil légal (>0,5g/L) dans un tiers des cas.
Les patients usagers d’EDPM admis en centres de traumatologie nécessitaient une intervention chirurgicale au cours des 24 premières heures suivant l’accident dans les deux tiers des cas. Ces interventions comprenaient principalement de la chirurgie réparatrice de fractures des membres mais également de la neurochirurgie. Les trois quarts de ces patients étaient hospitalisés en réanimation. L’hospitalisation était souvent longue (15 jours en moyenne) et 9% des usagers d'EDTM gravement accidentés sont décédés, majoritairement du fait de traumatismes crâniens graves.
Une intervention chirurgicale au cours des 24 premières heures suivant l’accident nécessaire dans les deux tiers des cas.
Les auteurs concluent que les trottinettes électriques sont des moyens de transport associés à des traumatismes qui peuvent être particulièrement sévères, au même titre que les motos ou que les vélos. De fait, les usagers d’EDPM doivent être considérés, dès leur évaluation initiale, comme de potentiels traumatisés sévères et ce en dépit du fait que les TE ne sont pas forcément vus comme comme dangereux du fait d’une vitesse limitée – en théorie – à 25 km/h.
Pointant le contexte d’alcoolémie élevée fréquemment associé à la survenue d’accidents, pouvant potentiellement entrainer un traumatisme crânien, les auteurs interpellent les autorités publiques.
Comment diminuer l’accidentalité ? En augmentation - au point de prendre les proportions d’un enjeu de santé publique dans de nombreux pays - l’accidentologie liée à l’usage des trottinettes est désormais mieux étudiée. Chercher à la réduire, tout en diminuant les risques pour les autres usagers de la route – piétons compris –, a fait l’objet de décisions de différents ordres. Certains lieux, comme le Japon, la Corée du Sud, Monaco, Brisbane en Australie ou Los Angeles, ont rendu obligatoire le port du casque en TE – pour les mineurs seulement à LA. De son côté, la ville de Paris, suite à une consultation publique, a décidé de bannir les opérateurs de TE en libre-service de la capitale à compter du 1er septembre. Dans un récent rapport, l’Académie de médecine a, pour sa part, émis un certain nombre de recommandations, comme relever l’âge des conducteurs à 16 ans, rendre obligatoire le port de gants et de casque adaptés, mieux faire respecter la réglementation existante, aménager les villes en tenant compte de ce mode de déplacement et assurer un suivi épidémiologique à l’échelle de chaque département, sous la forme d’un vaste réseau impliquant toutes les formations sanitaires, en s’inspirant du Registre du Rhône [2].
Accidents de trottinettes électriques : des blessures aussi sévères qu’en moto - Medscape - 13 juil 2023.
Comments