Point de vue du Pr. Boris Hansel (Diabétologue et nutritionniste)
"Compter ses pas avec un tracker de pas est un moyen efficace pour stimuler la pratique d’activité physique. Il y a des montres, des bracelets connectés, des applications smartphone ou encore des petits boîtiers qu’on accroche à la ceinture ou qu’on met dans la poche – bref, ce sont tous des podomètres, des appareils qui sont largement répandus dans la population et beaucoup de soignants les recommandent à leurs patients.
Mais il y a une information importante qui a été donnée déjà en 2007 : l’une des clés de la réussite pour que cela fonctionne, c’est-à-dire pour que cela stimule les personnes à faire plus de pas, est de fixer un objectif de pas. Dans la méta-analyse à laquelle je fais référence, c’est le fait de fixer un objectif de 10 000 pas qui avait été évalué et qui était l’un des facteurs prédictifs de l’augmentation du nombre de pas chez des patients atteints de différentes maladies chroniques. Mais est-ce que ce chiffre des 10 000 pas est vraiment celui qu’il faut recommander ou qu’il faut fixer auprès des patients? Sur quoi ce chiffre de 10 000 est-il basé ? On pense souvent que ce chiffre vient des recommandations de l’OMS – en tout cas, c’est ce qui circule dans beaucoup de publications grand public et ce qui est parfois repris par des professionnels de santé. En fait, cela n’a pratiquement rien à voir avec l’OMS. On pense que ce chiffre est issu d’une campagne publicitaire d’un fabricant de podomètres qui avait mis en avant son produit. Son produit était utile – on le disait – pour mesurer les 10 000 pas. Par la suite, les études scientifiques ont souvent utilisé ce chiffre comme critère d’activité conforme aux recommandations.
Mais revenons à des données scientifiques qui évaluent le nombre de pas optimal pour soigner et prévenir les maladies chroniques. On a des réponses qui nous viennent de grandes études épidémiologiques.
Première chose, il semble qu’il n’y a pas de limite en dessous de laquelle faire des pas serait inutile. Par exemple, on a un travail qui a été mené dans une population américaine féminine suivie pendant 4 années, et cette étude montre que le taux de mortalité est déjà plus faible chez les femmes qui marchent environ 4 400 pas par rapport à celles qui marchent 2 700 pas. Dans cette étude, ce qui est intéressant, et cela avait été très repris par les médias, c’est qu’on ne notait pas d’effet supplémentaire sur la mortalité au-delà de 7 500 pas par jour. C’est ce qui a amené un certain nombre d’articles à dire que, finalement, c’était inutile de marcher plus de 7 500 pas par jour et que l’objectif, c’était 7 500. C’est une conclusion qui est certainement abusive – on ne tire pas une telle conclusion d’une étude épidémiologique dans une population particulière et, de surcroît, où la population uniquement féminine.
Il y a d’autres données qui montrent une réduction de la mortalité de toutes causes de 12 % pour chaque augmentation de 1 000 pas par jour. Donc, pour chaque augmentation de 1 000 pas, on baisse de 12 % la mortalité. Et là, ce qui était intéressant, c’est qu’on voit qu’il y a une relation linéaire. Cette relation linéaire va entre 2 700 pas et 17 000 pas. Donc ici il n’y a pas d’intérêt à mettre un cut-off à 7 500, puisqu’on voit que le bénéfice continue à monter, en tout cas jusqu’à 17 000 pas, de manière linéaire.
Autre info très importante en ce qui concerne la cadence des pas : est ce que c’est mieux de marcher vite ou de marcher moins vite pour un nombre de pas fixé ? Ce qui a été évalué est que la cadence n’est pas associée à la mortalité au-delà du nombre de pas. En d’autres termes, pour un même nombre de pas, le fait que la cadence soit élevée ou non ne change pas, en épidémiologie observationnelle, l’effet sur la mortalité.
Pour chaque augmentation de 1000 pas, on baisse de 12 % la mortalité.
Que recommander au patient ?
En pratique, face à un patient qui semble intéressé à compter ses pas – parce qu’il y en a d’autres ne veulent pas ou n’adhéreront pas au port d’un trackerd’activité – l’important est de fixer un objectif qui est adapté à ce qu’il fait déjà. Cela semble mieux – en tout cas c’est ce qu’on constatedans la pratique – que de lui indiquer qu’il faut faire 10 000 pas par jour selon les recommandations. Et, de la même manière, cela semble mieux que de dire qu’il faut faire 7 500 pas par jour, comme le veulent les recommandations. Le but est d’augmenter par paliers pour atteindre non pas 5 000, 6 000, 7 000, 8 000 ou 10 000 pas, mais pour atteindre un maximum de pas quotidien, de ce qui est possible dans la vie quotidienne, et ce qui est possible de maintenir sur le long terme. C’est, en substance, ce que recommande la Haute autorité de santé dans ses dernières recommandations sur l’activité physique que je vous recommande de lire, si ce n’est pas encore fait.
Activité physique : doit-on recommander de faire 10 000 pas par jour ? - Medscape - 29 sept 2021.
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