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  • Photo du rédacteurCabinet St Pierre

Vacciner les mineurs contre le COVID ? Le Comité consultatif d’éthique est réservé

Cet article soulève la question de l'immunité collective en recrutant les jeunes populations qui ne présentent que peu de formes graves lors de l'infection. Doit-on demander à nos jeunes de faire l'effort de combler l'absence de civisme et de solidarité de la part des adultes et parents ? Quel message faisons nous passer à nos futures générations ?



France – Sachant qu'un nombre significatif d'adultes, dont des personnes présentant des comorbidités, ne procèderont pas à la vaccination, est-il éthique de faire porter aux mineurs la responsabilité, en termes de bénéfice collectif, du refus de vaccination d'une partie de la population adulte ?

Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE)* vient de rendre un avis sur cette «question complexe» de la vaccination des mineurs, regrettant une certaine précipitation après l‘approbation par la Haute Autorité de Santé et le gouvernement pour vacciner les 12-16 ans [1]. «Y a-t-il une urgence absolue à commencer la vaccination dès maintenant, alors que plusieurs indicateurs sont au vert et que la rentrée scolaire de septembre pourrait signer le début de la campagne ? », s’interroge-t-il. Sans compter les nombreuses questions soulevées par la vaccination des plus jeunes et notamment celle de « de leur consentement libre et éclairé ».

Y a-t-il une urgence absolue à commencer la vaccination dès maintenant, alors que plusieurs indicateurs sont au vert ? CCNE

*A noter que sur cette question spécifique de la vaccination des mineurs, le président du CCNE, le Pr Jean-François Delfraissy a pris la décision d’adopter une position de réserve, eu égard à ses fonctions de président du Conseil scientifique Covid-19 auprès du Gouvernement.

Peut-on espérer atteindre l’immunité collective en vaccinant les mineurs ?

Certains travaux laissent entendre que l’immunité collective (voir encadré) devrait être atteinte lorsque 80-85% au moins de l’ensemble de la population sera immunisée. « Il est aujourd’hui peu probable que cet objectif puisse être atteint grâce à la seule vaccination des adultes. En effet, la population âgée de 18 ans ou plus représente 78,5% de la population nationale (données statistiques de l’INSEE) et une enquête d’opinion suggère qu’au moins 20% des adultes seraient actuellement réticents ou opposés à la vaccination», écrit le CCNE.


L’immunité collective correspond au pourcentage d’une population donnée qui est immunisée/protégée contre une infection à partir duquel un sujet infecté introduit dans cette population va transmettre le pathogène à moins d’une personne en moyenne, amenant de fait l’épidémie à l’extinction, car le pathogène rencontre trop de sujets protégés. Cette immunité de groupe, ou collective, peut être obtenue par l’infection naturelle et/ou par la vaccination. Concernant le SARS-CoV-2, l’immunité collective est loin d’être atteinte en France. Son obtention dépend de plusieurs facteurs, dont la proportion de personnes immunisées post infection qui est estimée à environ 25% en mai 2021, mais aussi du R0 estimé — en l’absence de toute mesure de restriction sanitaire — à environ 4, voire plus.


Quel est le bénéfice individuel direct pour l’enfant et l’adolescent en bonne santé?

En tenant compte des données disponibles dans la littérature et de la situation actuelle en France, les formes graves de l’infection par la Covid-19 sont très rares chez les moins de 18 ans. Les facteurs de risque de mortalité sont : l’âge de plus de 10 ans et la présence d’au moins une comorbidité. La morbidité à moyen et long terme de l’infection semble également exceptionnelle dans cette population selon les premières données disponibles. Le CCNE considère donc que « le bénéfice individuel direct de la vaccination pour les enfants et les adolescents est très limité en termes de risques liés à l’infection ».

La vaccination est-elle sûre pour les enfants ?

La question de la sécurité des vaccins se pose de façon différente selon les tranches d’âge. A l’heure actuelle, «l’utilisation des vaccins chez les moins de 12 ans n’a, à ce jour, pas été évaluée», donc pas question d’envisager la vaccination dans cette population. À ce jour, pour le CCNE, «la vaccination des enfants de moins de 12 ans ne semble pas éthiquement et scientifiquement acceptable ». D’ailleurs, « aucun pays n’a actuellement pris la décision de vacciner ses jeunes enfants » excepté la Chine qui se prépare à vacciner dès l'âge de trois ans, a annoncé mardi 8, le laboratoire Sinopharm. Plusieurs essais chez l’enfant sont en cours, et notamment un essai avec le vaccin Pfizer chez les moins de 12 ans.

Le bénéfice individuel direct de la vaccination pour les enfants et les adolescents est très limité en termes de risques liés à l’infection CCNE


Quid des adolescents?

Chez les 12-16 ans, les choses sont différentes. L’unique étude existante à ce jour est celle menée par Pfizer qui a annoncé début avril 2021 de très bons résultats sur les risques d’infection par le Covid-19 avec un essai mené sur 2260 enfants de 12 à 16 ans. Les réactions au vaccin sont les mêmes que chez les adultes jeunes et aucun effet secondaire grave à court terme n’a été rapporté. Cependant, analyse le CCNE, « les enfants étant moins malades que les sujets plus âgés, le nombre d’enfants inclus dans cette étude est insuffisant pour démontrer de façon significative une efficacité sur les formes graves chez l’adolescent». Cet essai « rend en revanche envisageable l’utilisation du vaccin Pfizer chez les 12-16 ans ». Il a d’ailleurs permis déjà l‘obtention d‘une AMM en Europe et, dans la foulée, une approbation de la Haute Autorité de Santé et du gouvernement pour vacciner les jeunes dans cette tranche d’âge. Pour autant, le CCNE insiste : «chez les adolescents, entre 12 et 16 ans, le bénéfice individuel en lien avec l’infection est très faible en l’absence de comorbidité et ne semble pas suffisant pour justifier, à lui seul, la vaccination. »

Pour ce qui est des effets secondaires, le CCNE souligne que « quelques cas de myocardites peu sévères et post-vaccinales chez l’adolescent commencent à être publiés ». C’est pourquoi, «un suivi de pharmacovigilance spécifique aux adolescents (y compris pour les 17-18 ans) paraît indispensable». Ce suivi de pharmacovigilance est actuellement mené par les différentes agences internationales (FDA, EMA, ANSM…)

Quels arguments en faveur de la vaccination des enfants et adolescents ?

Si le risque de transmettre la Covid apparait comme faible chez l’enfant de moins de 10 ans, il semble, en revanche, assez proche, chez les adolescents, de celui qui a été mesuré chez les jeunes adultes. Par ailleurs, l’intérêt de garder ouverts les écoles, les collèges et les lycées a été reconnu assez unanimement, pour ses effets bénéfiques à la fois en termes de scolarité et de liens sociaux, en particulier chez les adolescents. Des arguments qui « pourraient être en faveur de l’ouverture de la vaccination aux 12-18 ans ». Cependant, prévient le CCNE, « si la vaccination leur était présentée comme leur seule chance de retour à une vie normale, cette pression effective poserait la question de la validité de leur consentement».


Quelles conséquences à vacciner les mineurs ?

Pour le CCNE, une chose est claire : les enfants et les adolescents «ont pleinement participé à l’effort collectif destiné à protéger leurs aînés et les plus fragiles d’entre nous », au prix parfois de leur développement et apprentissage, et avec des conséquences profondes et probablement durables sur leur santé psychologique et mentale. Les adolescents ont été particulièrement touchés et ce d’autant qu’ils étaient issus de milieux défavorisés. Dans ce contexte spécifique, le Comité attire l’attention sur la vulnérabilité spécifique de la population des enfants et des adolescents dans la crise actuelle et s’interroge : la pression de la société ne va-t-elle pas implicitement obliger les adolescents à accepter la vaccination ? Notamment pour retrouver une vie sociale plus rapidement. Et quid du risque de stigmatisation des adolescents qui refuseraient d’être vaccinés, mais à qui on ferait porter le chapeau en cas de fermeture des classes ?

Quel consentement pour les mineurs ?

Le CCNE insiste beaucoup dans son avis sur la nécessité d’une information adaptée à l’âge du mineur (sur la balance bénéfices-risques, les incertitudes, les alternatives à la vaccination …) et du consentement.


Il rappelle aussi que, sur le plan légal, pour les mineurs, si l’article 371-1 du Code civil prévoit que le consentement des titulaires de l’autorité parentale doit être recueilli. Dans ses dernières évolutions, le Code de la santé publique renforce ce principe d’autonomie en exigeant la recherche systématique du consentement du mineur « s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision » (Code de la santé publique, art. L1111-4).


En résumé, «il semble souhaitable selon le CCNE […] d’accepter de vacciner contre la Covid-19 les adolescents qui le demandent, mais après avoir reçu une information claire et adaptée à cette tranche d’âge sur les incertitudes liées à la maladie, au vaccin lui-même et à son efficacité à moyen et long terme, ainsi que sur les autres alternatives ouvrant sur la prévention de la maladie ».


Enfin, les membres du Comité préconisent d’informer les adolescents, comme l’ensemble de la population du risque qu’il y aurait à être à nouveau confinés, alors même qu’ils seront vaccines, en cas de rebond de l’épidémie, due, par exemple, à l’apparition d’un nouveau variant. Car le CCNE prévient : « si les adolescents recourent à la vaccination avec la certitude qu'elle leur permettra un retour à la vie normale et que cette motivation finit par être déçue dans les faits, c’est leur confiance dans les institutions qui risque d’être ébranlée à long terme ».

Il semble souhaitable selon le CCNE […] d’accepter de vacciner contre la Covid-19 les adolescents qui le demandent, mais après avoir reçu une information claire et adaptée. CCNE


Quelle vaccination des mineurs à l’échelle internationale? Actuellement l'OMS ne considère pas que la vaccination des adolescents soit une priorité pour le contrôle de la pandémie, contrairement à celle des adultes de tous les pays, y compris ceux à ressources limitées, mais il s’agit d’une situation évolutive. À l’international, les décisions prises en matière de vaccination pour les populations jeunes sont aujourd’hui hétérogènes : le Canada a été le premier à prendre la décision de vacciner les populations âgées de plus de 12 ans, dès le 5 mai 2021, suivi des USA (le 10 mai), le Royaume-Uni n’a pas ouvert la vaccination aux enfants et adolescents à ce jour. Par ailleurs, l’Italie, Israël et l’Allemagne viennent, très récemment, de prendre la décision d’ouvrir l’accès à la vaccination des adolescents (respectivement, 3, 6 et 7 juin 2021). En France, la vaccination des 12-16 ans devrait débuter le 15 juin.


Source : Vacciner les mineurs contre le COVID ? Le Comité consultatif d’éthique est réservé - Medscape - 14 juin 2021.

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