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  • Photo du rédacteurCabinet St Pierre

Vitamine D : un consensus en faveur d’une supplémentation des 0-18 ans

Marseille, France – Les pédiatres ont dressé le bilan : la supplémentation en vitamine D chez les enfants et adolescents est un flop. Ajoutons à cela l’augmentation du surpoids/obésité, le fait que les écrans ont remplacé les jeux d’extérieur, que l’alimentation s’est appauvrie en vitamine D… et l’on comprend pourquoi nos chères têtes blondes sont en majorité carencées.



Pour tenter d’y remédier, le nouveau consensus d’experts français s’aligne sur celui de ses homologues européens, en faveur d’une supplémentation systématique et désormais continue entre 0 et 18 ans [1]. Un texte défendu par la Dre Justine Bacchetta (Centre de référence des maladies rares du calcium et du phosphore/ néphrologie rhumatologie et dermatologie pédiatriques, Inserm 1033 Prévention des maladies osseuses) au Congrès de la Société française de pédiatrie (31 mai- 2 juin 2023, Marseille) [2].


Enfants carencés


Alors que la vitamine D est un élément fondamental du métabolisme phosphocalcique, son déficit est courant en population pédiatrique générale, en France comme en Europe où la proportion d’enfants et d’adolescents dont le statut vitaminique D est inférieur à 50 mmol/L est considérable, jusqu’à 42 % chez les adolescents en moyenne [3] (58 % des 4-11 ans en Belgique, 46 % des 2-21 ans en Italie). Mais certains pays s’en sortent bien mieux, résultat d’une politique volontariste de supplémentation en vitamine D, via l’alimentation notamment, comme le Canada et l’Afrique du Sud où respectivement seuls 6 % des 1-5 ans et 7 % des enfants de 10 ans sont carencés.


Une étude conduite dans 9 pays européens a trouvé 39 % d’insuffisance en vitamine D chez les adolescents, 27 % de déficits, et 15 % de déficits sévères et, comme attendu, une diminution des taux en 25(OH)D lorsque l’IMC augmente [4]. Rien de surprenant à cela vu les propriétés lipophiles de la vitamine D. Le tissu adipeux est un piège à vitamine D – rappelons, par ailleurs, que 20 % des enfants français sont en surpoids/ obèses.


Pour expliquer les carences en vitamine D, il faut aussi regarder les habitudes de vie des enfants. Délaissant les jeux en extérieur pour les écrans, ils bénéficient moins de l’action des ultraviolets indispensables à la synthèse de la vitamine D. L’utilisation des écrans totaux, un bon geste par ailleurs, et la pauvreté des alimentations en vitamine D, expliquent les concentrations en 25(OH)D observées souvent basses.


L’ombre du rachitisme carentiel plane toujours


Non seulement le déficit en vitamine D est très fréquent en population pédiatrique générale, mais le rachitisme carentiel n’a pas disparu en France, même s’il reste exceptionnel. Il touche préférentiellement les garçons, allaités exclusivement, d’ethnies d’Afrique sub-Saharienne, d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient.

A l’âge de 2 ans, près de 70 % n’avaient pas reçu de supplémentation ou une supplémentation insuffisante [5]. En France, 41 cas avaient été recensés en 5 ans au début des années 2000 dans les hôpitaux français, touchant préférentiellement les adolescentes à forte pigmentation cutanée et/ou porteuses de vêtements très couvrants [6].


Pour éviter les cas de rachitisme et remédier aux fréquents déficits en vitamine D, les experts de la Société française de pédiatrie avaient émis en 2012 un consensus ciblant les 0-18 ans, en vigueur jusqu’en fin d’année dernière. « Elles n’ont jamais été très bien suivies, avoue la Dre Justine Bacchetta. Interrogés en cabinet de médecine générale, seuls 25 % des enfants âgés de 10 à 18 ans avaient reçu de la vitamine D dans les 6 derniers mois et 42 % des 1-5 ans. 97 % des 0-18 mois en avaient cependant reçu [7]. »

La vitamine D : ni trop ni trop peu Des cohortes américaine et danoise ont observé en population générale adulte une association en forme de J inversé entre la concentration sérique en 25(OH)D et la mortalité toutes causes avec, d’une part, un surrisque de mortalité en dessous de 50 nmol/L lequel augmente franchement en-dessous de 20 nmol/L et, d’autre part, une remontée de la mortalité à partir de 120 nmol/L, probablement par toxicité cardiovasculaire liée à l’hypercalcémie relative [8]. Ceci a conforté les néphrologues pédiatres européens en 2017 à préconiser chez l’enfant insuffisant rénal une cible en 25-hydroxyvitmaine D comprise entre 75 et 120 nmol/L [9]. En janvier 2021, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ASNM) et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) ont émis un message d’alerte, rappelant que la vitamine D est un médicament et doit être utilisé comme tel. Ce rappel était motivé par la notification d’intoxications vitaminiques D sévères chez plusieurs nourrissons (hypercalcémies sévères avec néphrocalcinose) répertoriés par les centres de pharmacovigilance en 2020. Les histoires de ces accidents sont souvent similaires : des mères qui, pensant bien faire, prennent des compléments alimentaires contenant de la vitamine D (et non la vitamine D médicamenteuse), le plus souvent achetés sur internet dont les concentrations peuvent être multipliées par 10. Le tout accompagné d’apports calciques majeurs par la mère. Ces compléments alimentaires, d’après la Filière OSCAR, le réseau national des acteurs des maladies rares de l’os, du calcium et du cartilage, sont pris « parfois sur les conseils inadaptés de pédiatres et professionnels de santé de la petite enfance », à cause de « la réticence de certains professionnels de santé à prescrire la vitamine D médicamenteuse du fait de la présence de certains excipients ou perturbateurs endocriniens », peut-on lire dans un communiqué. Les produits vendus sur internet affichent des concentrations en 25(OH)D très disparates, dont certaines formules sont à l’origine d’apports journaliers recommandés, en vitamine D comme en calcium, très largement au-delà de ce qui est préconisé. Une étude anglo-saxonne a épinglé 8 préparations sur 11 ne respectant pas la concentration en vigueur sur les compléments alimentaires, soit surdosés, soit sous-dosés [10]. Supplémentation en vitamine D : chez tous les enfants, de 0 à 18 ans Avec une volonté de simplification et un alignement sur l’Europe, les précédentes recommandations de 2012 ont été revues, identiques pour la France métropolitaine et les DROM-COM. Aucun dosage de la 25(OH)D n’est préconisé en population générale, précisent les experts qui ajoutent en préambule leur préférence pour la supplémentation quotidienne en vitamine D plutôt que les mégadoses (100 000 UI au maximum), accompagnée d’apports en calcium adaptés à l’âge, la vitamine D permettant la fixation du calcium sur l’os (une supplémentation en calcium doit être instaurée en cas d’éviction des produits laitiers). «Avant de prescrire la vitamine D, prévient Justine Bacchetta, il faut se poser quelques questions portant sur les antécédents d’hypercalcémie de l’enfant, de lithiase, de néphrocalcinose, le type d’alimentation riche ou pauvre en vitamine D, ou encore l’utilisation de compléments alimentaires.

Entre 0 et 2 ans, en présence ou en l’absence de facteurs de risque, la dose journalière de vitamine D2 ou D3 est comprise entre 400 et 800 UI pour tous les enfants, peu importe leur phototype ; la dose de 400 UI/j étant suffisante pour prévenir le rachitisme carentiel.


L’interruption de la supplémentation vitaminique D entre 5 et 10 ans, règle du consensus d’expert 2012, est supprimée.


Entre 2 et 18 ans, la présence éventuelle de facteurs de risque compte dans la détermination de la posologie quotidienne : malabsorption, mal-digestion, insuffisance rénale chronique ou hépatique, syndrome néphrotique, cholestase, mucoviscidose, fragilité osseuse secondaire, pathologie inflammatoires chroniques, anorexie mentale, pathologies cutanées, traitements antiépileptiques, corticoïdes au long cours.

Sans facteur de risque, entre 400 et 800 UI/jour de vitamine D2 ou D3 sont recommandés entre 2 et 18 ans. Si le médecin a un doute vis-à-vis de l’observance, la supplémentation par vitamine D3 (cholécalciférol) est préconisée (50 000 UI chaque trimestre ou 80-100 000 UI en entrée et sortie d’hiver).


Si l’enfant présente un ou plusieurs facteurs de risque, entre 800 et 1600 UI/jour de vitamine D2 ou D3 sont recommandés. En cas d’observance douteuse, la supplémentation par vitamine D3 (cholécalciférol) est préconisée (50 000 UI toutes les 6 semaines ou 80-100 000 UI tous les trimestres).


Certains facteurs de risque nécessitent une adaptation des doses, car ils diminuent la disponibilité de la vitamine D (surpoids/obésité, peau noire, absence d’exposition solaire), ou de la prise alimentaire (régimes végan/végétarien). Par exemple, le surpoids et l’obésité requièrent de doubler les doses de vitamine D.


Une section sur les enfants prématurés a été créée. Les apports nutritionnels en calcium et en phosphate chez les nouveau-nés prématurés doivent être optimisés. En néonatologie, les prématurés reçoivent entre 600 et 1000 UI par jour de vitamine D, en tenant compte de la teneur en vitamine D du lait et de la nutrition parentérale, de la supplémentation en vitamine D pendant la grossesse et du poids de naissance. Les experts préconisent la mesure des concentrations de 25(OH)D chez les enfants nés avant 32 semaines de gestation ou pesant moins de 1500 g à l’âge d’un mois. Les cibles inférieure et supérieure de 25(OH)D sont 50 nmol/L et 120 nmol/L chez les nouveau-nés prématurés.


Supplémenter en vitamine D mais penser aussi au calcium

L’enfant étant un squelette en croissance, sa balance calcique doit être positive pour permettre le gain de masse osseuse, alors même que beaucoup d’enfants français sont carencés en calcium. Le taux moyen d’accrétion du calcium lors de la puberté est loin d’être négligeable chez la fille et le garçon, de 284 et 359 mg, respectivement (1 yaourt de 125g = 150 mg de Ca). D’où l’importance de l’enquête diététique en s’appuyant sur l’auto-questionnaire de Fardelonne* [11]. L’efficacité de l’absorption du calcium est un paramètre dont il faut tenir compte surtout en face d’adolescents végétariens ou végans ; la biodisponibilité du calcium est par exemple 7 fois plus faible dans les épinards et la rhubarbe que dans les produits laitiers. Les eaux minérales riches en calcium sont très intéressantes dans ces populations.


* Calcul des apport calciques quotidiens : http://www.grio.org/espace-gp/calcul-apport-calcique-quotidien.php


Les apports en calcium alimentaire doivent être évalués chez les enfants présentant des fractures et des douleurs osseuses.


« Attention, souligne la Dre Justine Bacchetta, la calcémie n’est pas un bon marqueur de la carence calcique. Un patient peut être – profondément – carencé en calcium et avoir une calcémie normale. En revanche, sa calciurie sera effondrée. » Le diagnostic d’une carence en calcium nécessite une évaluation des apports calciques alimentaires, des radiographies des poignets et des genoux et la mesure des taux plasmatiques de phosphatases alcalines (PAL), d’hormone parathyroïdienne (PTH), de 25(OH)D, de calcium et de phosphate, ainsi que de l’excrétion urinaire de calcium.


Entre 1 et 18 ans, les enfants devraient idéalement consommer 3 à 4 portions au minimum de produits laitiers quotidiens. Les nouvelles recommandations françaises ont déterminé un intervalle de 500 -1000 mg/j de supplémentation en calcium chez les enfants et les adolescents recevant moins de 300mg ajustés pour la biodisponibilité du calcium nutritionnel par jour, en particulier chez ceux qui suivent un régime végétalien.

« Il faut garder en tête que les carences en population pédiatrique générale sont fréquentes, rappelle la pédiatre. La consigne de consommer du poisson deux fois par semaine est peu respectée, notamment, d’où l’intérêt d’opter, à mon avis, pour une dose de 500 mg chez le jeune enfant et de manière générale en 1ère intention chez tous, et plutôt une dose de 1000 mg chez les adolescents, en sachant qu’il existe la possibilité d’améliorer l’observance au moyen des médicaments « 2 en 1 » contentant du colécalciférol et du calcium. »


Il faut garder en tête que les carences en population pédiatrique générale sont fréquentes.


La Dre Justine Bacchetta (Centre de référence des maladies rares du calcium et du phosphore, sce de néphrologie rhumatologie et dermatologie pédiatriques, Inserm 1033 Prévention des maladies osseuses) déclare ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec sa présentation.


Vitamine D : un consensus français en faveur d’une supplémentation des 0-18 ans - Medscape - 18 juil 2023.

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